Cette jeune Congolaise comme présidente
Les gens me disent souvent que je suis très ambitieuse. Je le reconnais. C’est vrai.
Depuis que j’ai neuf ans, je dis à mon père que je serai la première femme présidente de mon pays. La République Démocratique du Congo (RDC) est un très grand pays — presque aussi grand qu’un continent. Et si j’étais présidente, je pourrais changer beaucoup de choses pour les jeunes, d’une simple signature.
Mon ambition vient de la façon dont mes parents m’ont élevée. Je fais partie de ceux qui ont de la chance en RDC.
Mes parents sont partisans de la planification familiale
Nous sommes trois enfants dans ma famille. Et je suis l’aînée. Mon frère a deux ans de moins que moi, et ma sœur cinq ans. Mes parents ont pu prendre soin de nous parce qu’ils ont planifié notre famille. Nous avons été éduqués dans les meilleures écoles et universités.
Si mes parents avaient sept enfants, comme la plupart des femmes dans mon pays, ma vie serait complètement différente.
“En Afrique, de manière générale, et en RDC en particulier, nous avons besoin des jeunes gens pour effectuer des changements, notamment ceux qui comprennent les souffrances ou ont souffert.”
À 15 ans, j’ai rencontré une jeune fille qui vivait dans un village éloigné de la province du Kasaï Central. Elle ne pouvait pas avoir d’informations exactes sur son propre corps, sur la reproduction, ou les relations sexuelles protégées. Elle a fini par devenir séropositive. C’est à cause d’histoires comme la sienne que je me bats maintenant pour les droits et la santé sexuelle et reproductive des jeunes gens.
Le jour même où j’ai rencontré cette jeune fille, je suis retournée dans mon quartier et j’ai commencé à organiser des réunions. J’ai discuté avec d’autres filles sur nos droits en matière de santé sexuelle et reproductive. Nous avons finalement créé une association qui s’appelle “Les Jeunes Africains Debout”. Aujourd’hui, je travaille comme volontaire pour l’Association pour le bien-être familial et les naissances désirables et la Fédération Internationale de Planification familiale à Kinshasa.
Du fait que la RDC soit si grande, nous avons du mal à apporter l’information et les services aux gens qui en ont besoin. Beaucoup de familles rurales vivent très loin du centre sanitaire le plus proche — 10, 20 ou 30 kilomètres. Ils n’ont pas de voitures ni de vélos pour se déplacer. Des millions de jeunes gens ne peuvent pas avoir accès à l’information sur la santé sexuelle et reproductive. Et lorsqu’ils n’ont pas accès à l’information, ils sont incapables de prendre des décisions éclairées concernant leur corps et leur avenir.
À moi seule, je ne peux pas atteindre la grande majorité des jeunes gens dans mon pays. Alors j’ai commencé avec ceux qui sont autour de moi.
C’est un effet domino qui ressemble à ça
- J’ai créé un club de jeunes dans chaque communauté, en identifiant un leader communautaire qui sensibilise les autres jeunes qui vivent là.
- Puis j’ai identifié des “points focaux communautaires” qui représentent chaque club de jeunes. Ils expliquent aux jeunes gens où trouver les services de santé sexuelle et reproductive.
- Ces nouveaux leaders, à leur tour, forment d’autres jeunes à devenir des points focaux communautaires dans leurs propres régions.
Aujourd’hui, j’ai 24 points de contact autour de Kinshasa, et 6 dans d’autres provinces.
Les points de contact et moi - nous sommes tous connectés.
La tête seule ne peut pas faire grand-chose
La tête a besoin du corps, des bras et des jambes. Elle a besoin des yeux et d’une bouche pour répandre le message. J’ai des représentants dans chaque communauté, dans chaque province. Cette approche en réseau peut avoir un réel impact sur la santé des jeunes gens — particulièrement dans un pays aussi grand que le nôtre.
Les points focaux au sein de la communauté des jeunes et moi-même, nous distribuons de l’information à nos pairs basée sur des données probantes.
En RDC, 30 pour cent des grossesses des jeunes femmes mariées, âgées de 15 à 24 ans, ne sont pas planifiées. Et plus de 1,3 million de jeunes femmes sexuellement actives ont des besoins non satisfaits en matière de contraception.
Beaucoup de ces jeunes filles veulent juste vivre leur vie, mais subissent des pressions pour prendre soin de bébés qu’elles n’avaient pas prévus. Certaines de ces jeunes filles envisagent de recourir à des avortements clandestins et dangereux.
C’est le genre de données probantes que j’utilise pour faire comprendre aux autres que la situation est très grave. Pour les pousser à devenir des combattants, comme moi.
Nous sommes une communauté et nous sommes puissants
Au mois d’août, j’ai assisté à un atelier organisé par Pathfinder International, son projet Evidence to Action (E2A), et le Ministère de la Santé. Cet atelier a rassemblé des jeunes défenseurs comme moi, de Kinshasa et des trois provinces à majorité rurale — Lomami, Lualaba, et le Kasaï Oriental (C’est là qu’E2A dirige un programme de planification familiale à base communautaire).
Ensemble, nous avons examiné les plans de planification familiale de notre pays. Nous avons donné notre avis au gouvernement, en utilisant les données probantes que nous avions apprises pour améliorer les plans afin qu’ils répondent davantage à nos besoins en tant que jeunes.
Durant cet atelier, c’est devenu évident pour moi — je ne suis pas seule. Il y a beaucoup d’autres jeunes leaders qui combattent eux aussi pour les droits des jeunes gens en matière de santé sexuelle et reproductive. Pas seulement à Kinshasa, mais dans d’autres provinces aussi.
Cela m’a fait réfléchir, et si nous nous organisions pour partager nos idées et les opportunités pour changer les comportements et les normes sociales ? Pourrions-nous mettre en place un réseau de défenseurs des droits et de la santé sexuelle et reproductive des jeunes ? J’ai partagé cette idée pendant l’atelier.
Mon gouvernement m’a entendue
A la fin de l’atelier, des représentants du Ministère ont annoncé qu’ils lançaient la première plate-forme nationale pour nous permettre — les jeunes leaders —d’être inclus dans les processus de décision en matière de santé sexuelle et reproductive des adolescents et des jeunes gens.
Je suis très heureuse, parce que je sais que le monde a besoin de nous. Le monde a besoin de jeunes gens comme moi et ma communauté de jeunes leaders. Un jour, une fille comme moi deviendra Président de la République. Mais je n’ai pas besoin d’attendre d’être plus âgée.
Je peux diriger dès maintenant.
Marie Musifu a 23 ans et défend les droits des jeunes gens en matière de santé en République Démocratique du Congo. Ce message a été publié à l’origine par Pathfinder International.